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Dreux, le Maroc et la mémoire

22 Oct 2025
Actualités, Culture

L’année du Maroc à Dreux se poursuit avec une venue exceptionnelle. La réalisatrice originaire de Rabat Asmae El Moudir viendra présenter son film primé à Cannes La mère de tous les mensonges le 4 novembre au Ciné Centre. Rencontre.

1. Comment est née votre passion pour le cinéma et quel est votre parcours ?

Le cinéma est venu comme une manière de comprendre le monde et de réparer la mémoire. Dans ma famille, beaucoup d’histoires restaient en suspens, incomplètes, parfois effacées. J’ai compris très tôt que l’image pouvait dire ce que les mots taisent. C’est une lente prise de conscience : filmer, c’est sauver quelque chose de la disparition. Mon parcours est donc lié à cette passion. J’ai étudié le cinéma à Rabat, puis obtenu une licence en cinéma à l’Université Abdelmalek Essaâdi de Tétouan. J’ai ensuite poursuivi ma formation à la Fémis à Paris, avant de suivre un master en production à l’ISIC de Rabat. Je prépare aujourd’hui un doctorat sur l’esthétique du montage. Mon parcours se situe entre la recherche et la pratique, entre le documentaire et la fiction, autour des thèmes de la mémoire, du silence et de la transmission.

2. Votre film La mère de tous les mensonges a remporté le Prix de la mise en scène à Cannes 2023 (Catégorie Un Certain Regard). Comment avez-vous vécu cette reconnaissance internationale ?

C’était un moment très fort, à la fois intime et collectif. Ce film est né d’un geste artisanal, fait à la maison, avec ma famille. Le voir reconnu à Cannes m’a profondément émue, car cela prouve que les histoires personnelles peuvent toucher l’universel. Cette reconnaissance a surtout renforcé ma conviction que le cinéma peut être un lieu de vérité, même quand il parle de mensonges.

3. Comment présenteriez-vous votre film et quelle a été votre démarche ?

C’est un film sur la mémoire et sur les mensonges qui fondent parfois nos vies. J’y interroge l’histoire de ma famille et celle du Maroc des années 1980. Le film navigue entre documentaire et fiction, entre l’intime et le collectif, pour questionner la manière dont on reconstruit le passé. J’ai choisi un format très singulier qui mêle maquettes, reconstitutions, et témoignages. En reconstruisant mon ancien quartier, j’ai offert à ma famille un espace pour rejouer leurs souvenirs, confronter leurs récits, et parfois les réconcilier.

Avec ce film, je voulais comprendre pourquoi, dans ma famille, certaines choses restaient tues. En creusant, j’ai découvert que ces silences intimes étaient liés à des blessures collectives. Ma démarche a été de faire dialoguer l’intime et le politique.

4. Que représente pour vous le fait de venir à Dreux présenter votre film ?

Venir à Dreux, c’est l’occasion d’aller à la rencontre d’un public loin du cadre des festivals internationaux. J’aime ces moments d’échange où les spectateurs parlent de leurs propres souvenirs, où le film devient un prétexte pour relier des histoires. C’est une manière de prolonger sa vie, dans le partage.

5. Quels sont vos projets ou envies de cinéma pour la suite ?

Je travaille actuellement sur un nouveau film intitulé Don’t Let the Sun Go Up on Me. C’est un projet hybride autour d’une jeune femme atteinte d’une maladie rare qui ne peut pas vivre à la lumière du jour. C’est une réflexion sur la différence, mais aussi sur la puissance de l’imaginaire. J’ai envie de continuer à créer des formes où le réel et le rêve se rencontrent.

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